FRENCH - Hatsumode, le 1er janvier à Kyoto
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Les japonais ne rigolent pas avec le nouvel an. En effet, les festivités, contrairement à la France, s'étalent sur plusieurs jours.
Après la visite du temple bouddhiste de Eikando, il était de bon ton d'aller visiter un temple shinto, pour ce qu'on appelle le Hatsumōde.
Le Hatsumōde est la première visite dans un temple shinto de l'année, généralement entre le 1er et le 3 janvier. Kyoto ne manque pas de temples Shinto, mais il en est un qui est particulièrement réputé, et auquel nous tenons beaucoup : le Fushimi Inari.
Parlons un peu d'Inari tout d'abord : dieu agenré, il est la divinité des renards, de la fertilité, du thé, du saké, du riz, de l'agriculture et de l'industrie. Oui oui, tout ça. Il est souvent représenté dans les temples shinto par des kitsune, ces renards qui lui servent de messager. Ils sont souvent habillés d'un petit bavoir rouge, la couleur qui fait fuir les démons.
Fushimi Inari est donc un des plus grands sanctuaires de Kyoto, et si le nom ne vous dit peut-être rien, je suis sûr que vous en avez déjà vu des images. Regardez plutôt.
Situé au pied de la montage, le Fushimi Inari est surtout connu pour le chemin qui mène au sommet, entièrement couvert de torii, ces portes de bois rouges. Le chemin fait à peu près 4 kilomètres, pour plus de 10.000torrii. Peu enclin à faire mon original, c'est probablement un de mes endroits favoris à Kyoto.
Et je ne suis pas le seul ! Chaque année, le temple reçoit environ 3 millions de visiteurs entre le 1er et le 3 janvier, soit le double de la population de Kyoto. C'est sans surprise donc, que nous arrivâmes au temple entouré d'une foule gigantesque.
Les foules japonaises sont néanmoins parmi les plus charmantes du monde, surtout pendant les festivals. Il arrive ainsi parfois de se rendre compte que la femme qui nous bouscule est vêtue d'un beau kimono et maquillée de manière assez rétro, une sorte de japonisme années 20 que les japonais se sont réappropriés depuis.
Ainsi, nous suivîmes un moment le flot de tous ces japonais, venus faire la queue devant le temple orné d'offrandes (beaucoup de saké), acheter des flèches (de très grandes flèches, à l'échelle de ces arcs traditionnaux japonais que j'aime tant), pour atteindre le haut du temple et le début du chemin dans la montagne.
Mais une voix nous appelait dans une autre direction. Délaissant le parcours de torii, nous grimpâmes vers un chemin complètement désert, qui nous donna l'occasion de respirer un peu, loin de la foule.
Le bruit de la foule diminue alors que nous nous enfonçons dans cette forêt si particulière. À gauche, une forêt européenne, continentale, me rappelant un peu les arbres de Yosemite, non par leur envergure mais par leur vigueur, leur liberté affiché jusqu'à l'écorce. À droite, une forêt de bambou, typiquement japonaise, laissant passer le soleil quelques minutes avant qu'il ne disparaisse derrière les montagnes qui entourent Kyoto. Un petit chemin de pierre fait office de séparation entre ces deux mondes qui cohabitent, et pour un temps nous protège du tumulte à quelques centaines de mètres derrière nous.
Pourquoi voyager ? Pour apprendre à s'écouter, à écouter son corps et ce savoir intime qui nous habite tous, cet instinct qui nous dit "oui, par là". Pour savoir que cette fois-ci, c'est le chemin de droite qui nous amènera dans la direction d'un lieu inconnu et pourtant recherché. C'est un apprentissage de tous les jours, et je sens que ça commence à venir. Ce chemin nous l'a prouvé, une fois de plus.
Après quelques minutes de marche dans cette forêt magique, nous arrivons dans un de ces petits cimetières que l'on trouve disséminé partout autour deFushimi Inari. Celui-ci est plus grand que les autres néanmoins, et nous entendons, non loin, le bruit de l'eau ruisseler sur les rochers.
Doucement, nous nous approchons, et les incantations d'un prêtre shinto se font de plus en plus bruyantes.
L'eau qui descend des montagnes est dirigée dans une petite enclave dans la roche, comme une douche purificatrice. En dessous, les prêtres se succèdent, récitants des sutras de plus en plus forts, nus sous l'eau froide. Nous restons là, une bonne demi-heure, à observer la procession, tandis que le soleil se rapproche de l'horizon.
Loin de la foule, du bruit, c'est une autre tradition du nouvel an à laquelle nous avons assisté. Inattendue, magique, confidentielle, elle fait parti de ces petits moments de grâce que la vie vous offre pour peu que vous l'écoutiez. Ce petit chemin dans la forêt me rappelle ces ruelles que je m'efforce de prendre à Paris, comme la rue des Thermopyles que j'ai découverte par hasard un matin de printemps à Paris. Voyager c'est aussi refuser les habitudes, c'est tout simplement prendre un autre chemin.
Il faisait nuit lorsque nous avions pris le chemin du retour. De petites lanternes rouges nous accompagnait, donnant à la forêt encore une autre ambiance, tout aussi magique. La route jusqu'au métro était bordée de petites échoppes typiques des matsuri, vendant ces gaufres fourrées en forme de poisson, des peluches de renards, des madeleines, des mochi grillés, des soupes, des crêpes… Nous rentrâmes les pieds et le coeur léger, riches de nouveaux souvenirs impérissables, plus convaincus que jamais que nous étions exactement là où nous devions être.