Comment prendre une bonne photo : l'exposition / by Adrien Le Falher

Les deux fondamentaux : l’exposition, et le cadre

Une bonne photo, fondamentalement, c’est un sujet bien exposé, et bien cadré. Aujourd’hui, je ne parlerais pas du cadre, mais plutôt de l’exposition, et plus spécifiquement, comment bien exposer à droite (ou ETTR, pour Expose To The Right).

Exposer à droite ? Qu’est-ce que ça veut dire ?


Dans les différentes façons de représenter une image, il y a ce qui s’appelle un histogramme. C’est ce qu’on voit sur la droite de l’image. Il est parfois divisé en trois couleurs, comme ici, mais souvent celui-ci est une moyenne des trois couleurs. Ce graph représente la quantité de pixels pour une valeur (ou luminance donnée), de gauche à droite : plus la courbe monte haut à gauche, plus il y a de pixels sombres, et plus la courbe monte haut à droite, plus il y a de pixels clairs.

Dans l’optique de la photographie numérique, une bonne exposition ne répond qu’à un seul critère : un maximum de pixels vers la droite, sans qu’aucun ne dépasse la limite (sauf lumière spéculaire, c’est à dire le soleil ou son reflet, et encore).

Mais pourquoi ?

Parce qu’il est très simple de baisser l’exposition en post-production, avec Lightroom, Photoshop, ou CaptureOne par exemple, et ce, sans aucun inconvénient esthétique pour peux que votre image n’est pas surexposée.

Plus que celà, l’ennemi de la bonne exposition, c’est le bruit. Je parle bien de bruit ici, et pas de grain : il n’y a pas de grain dans l’image numérique, mais juste du bruit électronique, due à la fabrication même du capteur. Le bruit, en image, ce sont des dérives et approximations de couleur qui ne viennent pas direction de l’image, mais des limites du capteur. Plus votre image sera sous-exposée, plus ce bruit sera visible : en effet, si votre image est sous-exposée, vous devrez réhausser toute l’image et donc le bruit avec. Il y a des façons d’enlever le bruit (je prépare un article là-dessus), mais elles sont TOUTES imparfaites. Quand bien même, pour des raisons esthétiques, vous voulez du bruit dans votre image, vous pouvez toujours le rajouter sur une image propre. Bref, dans tous les cas, une bonne exposition sera celle avec les pixels les plus clairs possibles, pour éviter au maximum de devoir amplifier le bruit du capteur. Et pour celà, on expose à droite.

Le zebra : pour exposer à droite, même sans animaux.

Malheureusement, il n’est pas évident de savoir comment bien exposer : souvent, la mesure de l’appareil sera une moyenne sur une partie de l’image, et essayera de faire une image “balancée”, ni trop sombre, ni trop claire.

Le zebra, ce sont les rainures que l’on voit sur l’écran. Il indique les zones sur-exposées.

Mais heureusement, une aide à l’exposition est en train de se démocratiser : le zebra.

Le zebra est disponible sur tous les appareils sans miroirs (ou mirrorless) comme les Sony Alpha, les Fuji, et sur bon nombre de réflex, comme chez Canon ou Nikon.

Le zebra est le seul outil dont vous avez besoin pour faire votre exposition.

On l’a dit plus haut : une bonne exposition, c’est l’exposition la plus claire possible sans “cramer” son image. Ca tombe bien, le zebra ne sert qu’à ça : zébrer les parties cramés. Autrement dit, si vous voyez du zebra sur votre image, votre image est surexposée.

Enfin, ça , c’est la théorie…



Mais pourquoi shooter en RAW si c’est pour juger sur un JPG ?

A l’heure où j’écris ces lignes, aucun appareil photo sur le marché ne vous donne un histogramme ou un zebra qui correspond à votre image RAW. Pour des raisons de rapidité de calcul, tous se basent sur la preview JPG que vous voyez sur votre écran. Le problème ? Il y a de grande chance pour que le JPG affiché soit plus contrasté que votre fichier RAW ne le permette, et vous perdez beaucoup de dynamique à respecter les zebras ainsi affichés.

Combien ? Ca dépend des appareils et de leurs réglages, mais ça peut être beaucoup.

J’ai fait un test rapide avec mon Sony A7RIII et le merveilleux logiciel RawDigger. Avec les réglages que j’avais présentement, j’ai capturé une image à l’exposition même où le zebra commençait à apparaître sur mon écran. Voilà le résultat sur RawDigger.

L’important est entouré en rouge Pixels surexposés : 0%


J’utilise RawDigger pour analyser mon image, car ce logiciel permet de me donner des statistiques directement à partir de mon fichier RAW. Et ici, alors même que le zebra apparaît sur mon appareil photo, je ne vois que aucun de mes pixels sont surexposés.

Je continue alors à prendre des photos, en augmentant d’un cran (1/3 de diaph à chaque fois) l’exposition, jusqu’à arriver sur un fichier que RawDigger considère comme surexposé. Et enfin…

Cliquez sur l’image pour voir plus grand. Ici, on a 0,3% de pixels surex, dans les couches vertes.

Voilà, enfin, une image surexposée. Au-delà de l’écran des statistiques en haut, on voit bien la zone rouge sur l’image qui indique les pixels problématiques. Ici, on est à 0,3% de pixels surexposés, ce qu’on pourrait considérer comme une surexposition acceptable tellement elle est faible. Mais soyons rigoureux, et arrêtons nous là.

Cette exposition devrait donc être la première à afficher un zebra. Pourtant, sur mon Sony, le zebra s’est affichée pour une exposition à 1/13sec, tandis que la première exposition surexposée est à 1/4sec, soit une perte de 1 diaph 1/3 si on suit l’indication du zébra !

On voit donc que le zebra n’est pas forcément une aide fiable, et qu’il faut la calibrer.

Comment calibrer son zébra pour qu’il soit fiable ?

Maintenant que le problème est posé, voici une solution simple.

Pour que le zebra serve à quelque chose, il faut savoir quel est l’écart d’exposition entre celle où le zebra apparaît, et l’exposition qui est réellement trop haute.

Pour cela, achetez RawDigger : ce logiciel peu coûteux, comme on l’a vu plus haut, peut donner à vos images plus d’un diaph de dynamique en plus. Certaines marques vous font racheter un appareil pour de telles performances !

Ensuite, prenez une série d’image avec un point lumineux bien apparent et distinct du reste de l’image. Vous pouvez, comme je l’ai fait ici, pointer une lampe sur du papier blanc.

Prenez ensuite une suite d’expositions en ne faisant varier que la vitesse d’obturation, du plus sombre au plus clair. Notez surtout à quel exposition le zébra commence à apparaître sur votre écran, et continuez à exposer de plus en plus clair, même si l’image sur votre écran commence à devenir trop claire.

Une fois sur votre ordinateur, ouvrez d’abord avec RawDigger l’image qui correspond à l’exposition où le zebra est apparu, et regardez les statistiques données par le logiciel. Est-ce que votre image est surexposée ? Si oui, regardez l’image que vous avez prise juste avant, qui devrait être 1/3 de diaph plus sombre (ou 1/2 diaph, selon les réglages de l’appareil). Si cette image là n’est pas surexposée, félicitations, votre zebra est bien réglé. Si elle est encore surex, continuez à descendre en exposition jusqu’à trouver la première image qui n’est pas surexposée. Retenez bien l’écart d’exposition entre l’image où le zebra apparaît et l’image bien exposée : celui-ci sera constant, et vous devrez toujours compenser dans cette façon pour avoir une prise de vue correcte.

Même chose dans l’autre sens : il est probable, comme moi, que le zebra fasse un peu de zèle et considère comme cramées des zones qui ne le sont pas. Parcourez ainsi vos images avec RawDigger du plus sombre au plus clair jusqu’à trouver l’image qui commence à être surexposée. Là encore, vous savez comment compenser. Si vos paliers d’expositions sont d’1/3 de diaph, et que la première image surexposée est trois images après celle où le zebra apparaît, vous pouvez “surexposer” d’un diaph par rapport à ce que votre zebra indique !

Voilà, c’est tout ce qu’il y a à savoir, vous pouvez maintenant être sûr d’exposer vos photos correctement et d’utiliser pleinement la dynamique de votre appareil photo.

Bonus : régler le zébra sur les appareils sony.

Les appareils photos mirrorless de Sony sont clairement pensés par des ingénieurs, pour des ingénieurs. Cela donne des menus à rallonge, mais qui proposent au moins plein d’options à qui sait chercher.

Or, plutôt que de compter la compensation par rapport à ce qu’affiche votre zebra, vous pouvez régler celui-ci pour qu’il vous affiche une exposition correcte !


Le menu se trouve dans le deuxième onglet photo, sur la page 6/9. Là, vous pouvez régler un zebra personnalisé. Faites des test comme vous l’avez fait précédemment pour trouver une adéquation entre la bonne valeur de zebra pour votre style d’image et la bonne exposition. Pour moi (sRVB, mode créatif standard, pas d’effet de photo, pas de profil d’image), le bon réglage est Limite Inférieure, 107+. Vous pouvez utiliser ce réglage, mais je vous conseille grandement de faire le tests ! Il y a tellement de paramètres à prendre en compte que ça ne veut pas dire qu’il sera bon pour vous.

Et voilà mes résultats RawDigger une fois mon zébra réglé :

Ici, le zébra n’apparaît pas sur mon appareil, RawDigger me dit bien que je n’ai aucune zone cramée.

1/3 de diaph de plus, et rien ne va plus ! Le zebra s’affiche sur mon écran, et effectivement, je suis complètement cramé.

Conclusion

Voilà, c’est tout pour cette première partie sur l’exposition. Je prévois un autre article sur comment, et à quel point on peut récupérer les zones cramées, et une grand comparaison sur les logiciels anti bruit : photoshop, lightroom, DXO, CaptureOne, noise ninja, neat image, topaz Denoise AI… On verra que les meilleurs ne sont pas forcément ceux qu’on croit.

J’espère que vous avez appris des choses et qu’elles vous seront utiles, si vous avez des questions, n’hésitez pas à faire des commentaires !