Personnal

Storytelling et pluridisciplinarité by Adrien Le Falher

Image créée par une des IA artistiques que j’ai écrite en 2018.

Image créée par une des IA artistiques que j’ai écrite en 2018.

Depuis quelques années, un anglicisme est bien à la mode : le "storytelling". On l'entend dans la bouche des politiciens et leur spin-doctors, car se faire aimer c'est raconter une histoire, mais on l'entend aussi de manière plus pernicieuse dans la façon dont les gens se présentent. Chaque personne doit être le personnage de sa propre histoire, et pire, chaque oeuvre d'art se doit d'en raconter une.

D'un point de vue personnel, je remarque ça dans le monde de la photo, où de plus en plus de photographes se définissent comme "storytellers", où chaque photo se doit "de raconter une histoire".

Le problème dans tout cela, c'est qu'une histoire est forcément incomplète. Une histoire

simplifie. Une bonne histoire (puisque c'est de cela qu'on parle dans le storytelling, d'une

histoire efficace) va droit au but, se libère de ce qui n'est pas nécessaire au récit.

Nous sommes aujourd'hui, artistes, travailleurs freelance, dans la recherche de la création d'une certaine communauté, d'un groupe de gens qui nous "suivent", car c'est au final d'eux dont on dépend professionnellement : c'est notre réseau propre, celui qui nous amène crédibilité par les chiffres qu'ils nous offrent (like, followers) et possibilités professionnelles (offre d'emplois, collaboration, etc...). Chaque personne devient à la fois son propre réseau et maillon de pleins d'autres.

Revenons au storytelling : c'est un bon outil pour créer son réseau. On crée un avatar de soi, simple à comprendre, avec un style, une ligne éditoriale même. Je suis sur Instagram un photographe qui ne fait que des photos au drone de gens seuls sur une plage. JR ne fait que des grands portraits en noir et blanc, etc. Tout cela pousse à "trouver son style", à chercher en son soi intérieur LA CHOSE qui nous rend unique, singulier... et qui deviendrait donc la raison qui pousserait les gens à nous suivre.

A ce modèle je voudrais en proposer un autre : la pluridisciplinarité. L'anti-style, mais au contraire la curiosité infinie, la recherche non pas du soi profond mais des multiplicités du monde. Une ouverture bienveillante à l'apprentissage du Tout. Alors que je listais publiquement une partie de mes projets de 2018, des amis se sont étonnés de mon côté couteau-suisse, comme si j'étais miraculeusement affublé de multiples talents. Sans fausse modestie, il n'en est rien. Je refuse, en revanche, de plier ma vie au storytelling. D'ailleurs, il est déjà trop tard, voici un aperçu de mes dix dernières années :

18 ans: étudiant en droit anglais et français à Paris

19 ans : scénariste de série aux Philippines

20 ans : étudiant en droit anglais et français, fiancé à une Philippine, membre forcé d'une secte biblique très stricte

21 ans : étudiant en cinéma à Paris, toujours fiancé, toujours dans une secte

22 ans : étudiant en cinéma à Paris, célibataire et plus dans une secte

24 ans : étudiant en cinéma à Paris, plus célibataire

25 ans : étudiant en cinéma à New York

26 ans : assistant d'une geisha à Tokyo, homme de ménage à Kyoto, motion designer en Birmanie...

27 ans : motion designer en France

28 ans : photographe aux Etats-Unis.

Même simplifiée à l'extrême, ma vie ne semble pas avoir grand sens ; elle me paraît cependant comme une grande ligne droite. Cette ligne, c'est la pluridisciplinarité, une de mes valeurs les plus chères, et surtout une solution toute trouvée au manque d'inspiration qui vient forcément avec la production artistique.

Le cerveau ne peut produire constamment, et je ne me vois pas écrire des scénarios 8 heures par jour. Pendant longtemps, j'ai écrit et joué de la musique. Ces deux compétences étaient assez différentes pour ne pas s'assécher en même temps. Puis j'y ai rajouté la création visuelle, pour pouvoir encore plus jongler en cas de page/partition blanche. Puis la cuisine, puis le code...

Chaque moment de pause, d'épuisement artistique n'est pas une malédiction, mais une opportunité pour apprendre autre chose, grandir autrement. Mieux encore, on se rend compte rapidement que l'esprit humain n'est pas si cloisonné, mais qu'au contraire toutes ces passions, ces compétences, se mélangent et se nourrissent entre elles.

Tout cela, en revanche, crée un avatar brouillon, illisible, une ligne éditoriale trop large. Les modes sont cycliques, et en 2019, j'espère que l'on commencera à apprécier la complexité du monde pour les possibilités qu'elle offre plutôt que comme un phénomène à démêler.

D'ici là, je vous enjoins tous à essayer une nouvelle discipline lors de vos moments de creux, une nouvelle compétence à apprendre, ne serait-ce que pour la satisfaction de vous endormir un peu plus savant que vous vous êtes réveillé.

Of Paris, David Beckham and religion. by Adrien Le Falher

On Friday the 13th 2015, 7 terrorist attacks transformed Paris into a battlefield.

I was not in Paris that day, I was in Tokyo, where I currently live. Still, learning what was happening, woken up by my girlfriend telling me "It's terrible, there are shootings everywhere in Paris right now." is an extremely sobering experience.

I spent the day online, learning about family friends who were hurt, former teachers who died... I still can't get it out of my mind. Living the attacks of January from afar was already a traumatic experience, but it felt unique, it felt it was awful but it would not happen again. Not only did it happen again, but it was even worse. 

Later that day, a friend sent me this.  

As the sun rises in this beautiful city we remember the people that have died and the families that have lost loved ones... Our thoughts are with you all... #PrayForParis

Posted by David Beckham on Friday, November 13, 2015

The words are touching, and the public, global reaction did warm our hearts. However, something bothered me (apart from the fact that I am not credited anywhere as a photographer). 

Let me rewind a bit. 


Right after high school, I was brought into a religious cult. I will not name them here, they don't need that kind of publicity, but they count millions of followers, millions who, like I did for years, go to church twice a week, turning their name tag (if you don't, you receive a call asking why you did not come to church). 


People from this religious cult weren't bad. Some were my friends, many were my colleagues, one of them my fiancee. Looking at it, coming to church, you wouldn't say it's a dangerous cult. We would sing songs for 45 minutes, chanting lyrics of joy, glory and happiness, all in the name of the lord... then a minister would "explain" some parts of the Bible, in a rather... first degree reading. They did not believe the Earth to be very old. 

But something always bothered me: sometimes, after the songs, the minister would tell the attendance to stop speaking to a certain family, lest they would be banned from the Church, and forbidden to interact in any way with the members of the Church. These kind of instructions were sent worldwide, which meant that the people who dared getting out of the cult would loose, very often, all their friends, their job, sometimes their houses. 

It took me years, and all my strength, to leave this cult. I left friends behind, colleagues, mentors, my fiancee, a very promising job. It was the hardest decision that I ever had to make, and it would make me cry every day for months.

But life went on, and I made new friends, and we started new projects. One, especially: a movie, about a man who loved someone he shouldn't, against the advices of his friends, and who finally changes his life for the better. I gave myself entirely to this movie. The last scene that we shot was at the top of the Montparnasse tower, and I took this picture. 

Looks familiar?

This is the picture that turned my life around. This is the picture of the precise moment where I felt I made the right choice. I remember, at the top of the Montparnasse tower, that gorgeous glow that hypnotized me, that feeling of freedom. Exactly then, I knew that it would be ok, and that religion would not rule my life anymore. No more praying before leaving my home, no more praying before eating, no more praying before bed, no more praying for two hours twice a week. For some, this picture looks like a nice postcard of Paris. To me, this is the moment I felt liberated after leaving a religious cult I was in for years. 

Later, it also became the first picture I would win an award for, and the first picture I ever sold (for an ad for Air France !). This is the picture that always remind me that following your heart and your guts can pay off, and I tell this to everybody who wants to hear it. 


Back to Paris, Friday the 13th, 2015. While I read the statement from ISIS, I cannot help but remember how sure all these people were, in my cult, that they were right. When they would hear you were not in the church, they would say "I will pray for you", meaning, "You will go to hell because you do not believe what I do.". 

Prayers are not helpful. They are not what we need, as a society. If it makes you feel better, fine. Pray by yourself. But don't call others to pray. For many of us, it means nothing. For some of us, it means even more pain. 
 

My advice to help people going through this? I have none. I am not telling you to pray, or to tell your loved ones what you feel. Let people act as they feel, whether it's being alone, going out with friends, making love or music. But telling them what do do? This is the opposite of liberty, the opposite of why people died for that night. 

Don't tell us to pray. And certainly not by using my pictures.