nouvel an

FRENCH - Hatsumode, le 1er janvier à Kyoto by Adrien Le Falher

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Les japonais ne rigolent pas avec le nouvel an. En effet, les festivités, contrairement à la France, s'étalent sur plusieurs jours.

Après la visite du temple bouddhiste de Eikando, il était de bon ton d'aller visiter un temple shinto, pour ce qu'on appelle le Hatsumōde.

Le Hatsumōde est la première visite dans un temple shinto de l'année, généralement entre le 1er et le 3 janvier. Kyoto ne manque pas de temples Shinto, mais il en est un qui est particulièrement réputé, et auquel nous tenons beaucoup : le Fushimi Inari.

Parlons un peu d'Inari tout d'abord : dieu agenré, il est la divinité des renards, de la fertilité, du thé, du saké, du riz, de l'agriculture et de l'industrie. Oui oui, tout ça. Il est souvent représenté dans les temples shinto par des kitsune, ces renards qui lui servent de messager. Ils sont souvent habillés d'un petit bavoir rouge, la couleur qui fait fuir les démons.

Fushimi Inari est donc un des plus grands sanctuaires de Kyoto, et si le nom ne vous dit peut-être rien, je suis sûr que vous en avez déjà vu des images. Regardez plutôt.

Situé au pied de la montage, le Fushimi Inari est surtout connu pour le chemin qui mène au sommet, entièrement couvert de torii, ces portes de bois rouges. Le chemin fait à peu près 4 kilomètres, pour plus de 10.000torrii. Peu enclin à faire mon original, c'est probablement un de mes endroits favoris à Kyoto.

Et je ne suis pas le seul ! Chaque année, le temple reçoit environ 3 millions de visiteurs entre le 1er et le 3 janvier, soit le double de la population de Kyoto. C'est sans surprise donc, que nous arrivâmes au temple entouré d'une foule gigantesque.

Les foules japonaises sont néanmoins parmi les plus charmantes du monde, surtout pendant les festivals. Il arrive ainsi parfois de se rendre compte que la femme qui nous bouscule est vêtue d'un beau kimono et maquillée de manière assez rétro, une sorte de japonisme années 20 que les japonais se sont réappropriés depuis.

 

Ainsi, nous suivîmes un moment le flot de tous ces japonais, venus faire la queue devant le temple orné d'offrandes (beaucoup de saké), acheter des flèches (de très grandes flèches, à l'échelle de ces arcs traditionnaux japonais que j'aime tant), pour atteindre le haut du temple et le début du chemin dans la montagne.

Mais une voix nous appelait dans une autre direction. Délaissant le parcours de torii, nous grimpâmes vers un chemin complètement désert, qui nous donna l'occasion de respirer un peu, loin de la foule.

Le bruit de la foule diminue alors que nous nous enfonçons dans cette forêt si particulière. À gauche, une forêt européenne, continentale, me rappelant un peu les arbres de Yosemite, non par leur envergure mais par leur vigueur, leur liberté affiché jusqu'à l'écorce. À droite, une forêt de bambou, typiquement japonaise, laissant passer le soleil quelques minutes avant qu'il ne disparaisse derrière les montagnes qui entourent Kyoto. Un petit chemin de pierre fait office de séparation entre ces deux mondes qui cohabitent, et pour un temps nous protège du tumulte à quelques centaines de mètres derrière nous.

Pourquoi voyager ? Pour apprendre à s'écouter, à écouter son corps et ce savoir intime qui nous habite tous, cet instinct qui nous dit "oui, par là". Pour savoir que cette fois-ci, c'est le chemin de droite qui nous amènera dans la direction d'un lieu inconnu et pourtant recherché. C'est un apprentissage de tous les jours, et je sens que ça commence à venir. Ce chemin nous l'a prouvé, une fois de plus.

Après quelques minutes de marche dans cette forêt magique, nous arrivons dans un de ces petits cimetières que l'on trouve disséminé partout autour deFushimi Inari. Celui-ci est plus grand que les autres néanmoins, et nous entendons, non loin, le bruit de l'eau ruisseler sur les rochers.

Doucement, nous nous approchons, et les incantations d'un prêtre shinto se font de plus en plus bruyantes.

L'eau qui descend des montagnes est dirigée dans une petite enclave dans la roche, comme une douche purificatrice. En dessous, les prêtres se succèdent, récitants des sutras de plus en plus forts, nus sous l'eau froide. Nous restons là, une bonne demi-heure, à observer la procession, tandis que le soleil se rapproche de l'horizon.

Loin de la foule, du bruit, c'est une autre tradition du nouvel an à laquelle nous avons assisté. Inattendue, magique, confidentielle, elle fait parti de ces petits moments de grâce que la vie vous offre pour peu que vous l'écoutiez. Ce petit chemin dans la forêt me rappelle ces ruelles que je m'efforce de prendre à Paris, comme la rue des Thermopyles que j'ai découverte par hasard un matin de printemps à Paris. Voyager c'est aussi refuser les habitudes, c'est tout simplement prendre un autre chemin.

Il faisait nuit lorsque nous avions pris le chemin du retour. De petites lanternes rouges nous accompagnait, donnant à la forêt encore une autre ambiance, tout aussi magique. La route jusqu'au métro était bordée de petites échoppes typiques des matsuri, vendant ces gaufres fourrées en forme de poisson, des peluches de renards, des madeleines, des mochi grillés, des soupes, des crêpes… Nous rentrâmes les pieds et le coeur léger, riches de nouveaux souvenirs impérissables, plus convaincus que jamais que nous étions exactement là où nous devions être.

FRENCH - Ōmisoka, le nouvel an japonais à Kyoto by Adrien Le Falher

When in Rome, do as the Romans do…

Peu de fêtes sont célébrées autour du monde autant que le nouvel an. Ce passage symbolique, qui nous permet à la fois de nous projeter en avant et de contempler le passé, scande nos vies à tous. Au Japon particulièrement, c'est un grand moment de rassemblement.

Si Noël est la fête des amoureux (et de KFC), le nouvel an, Ōmisoka, se passe en famille. Accompagnés de notre famille d'un soir, rencontré à l'auberge pendant le dîner (une sorte de soupe avec un mochi au fond, cette boulle de pate de riz), nous nous sommes rendu dans un temple, pour sonner une grande cloche.

Japon oblige, une queue mène à l'annexe du temple qui abrite la cloche. Un petit kiosque en bois, dont le toit supporte la cloche, qui sonnait toutes les minutes.

Le nouvel an japonais se veut plus un évènement global qu'un instant particulier : aussi, lorsque minuit sonna, nous fûmes les seuls à nous souhaiter gaiement une bonne année. Les japonais, eux, n'avaient même pas remarqué le passage à la nouvelle heure. On retrouve ce rapport à la journée qui est plus définie par le sommeil que les heures dans les horaires d'ouvertures des restaurants. Combien de fois j'ai vu des restaurants ouverts de 18 à 25 heures, voire 26 !

 

 

Quand nous sonnons la cloche, la pluie a commencé depuis quelques minutes : parfaite excuse, s'il en fallait, pour aller se réfugier dans le temple à côté de la cloche. Là, on y découvre des croyants qui recopient des bénédictions. Impossible pour nous d'y résister, bien sûr.

N'est pas calligraphe qui veut. Nos mains habitués aux stylos ne savent pas tenir un pinceau de la bonne manière pour tracer leskanji, les idéogrammes que les japonais ont empruntés aux chinois. Nos amis de ce soir, chinois, ont eu bien moins de mal. Pour nous, des dessins abstraits que l'on s'efforce de recopier, pour eux du sens, qu'ils s'approprient, et transforment. Si les chinois ne peuvent pas parler japonais, ils le comprennent sans mal à l'écrit.

Ce "nouveau" nouvel an japonais nous a ravis. Si le premier janvier suit inlassablement le trente et un décembre, il est bon de bousculer un peu ses traditions. Après tout, n'est-ce pas le principe des bonnes résolutions ? Reconnaître l'année passée et ses habitudes, et savoir s'en défaire.

 


Alors pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Si le rendez-vous au temple pour faire sonner la cloche est une tradition bien japonaise, il en existe une autre spécifiquement kyotoïte qui nous rendait curieux.

Le Okera Mairi est le festival du premier feu de l'année au temple de Yasaka, celui au bout de Gion, le quartier des geikos (connues sous le noms de geisha en dehors de Kyoto).

Bien plus que pendant le solennel épisode de la cloche, c'était une vrai ambiance de matsuri qui nous attendait à Yasaka. Tous les éléments des fameux festivals japonais étaient réunis : beaucoup de monde, beaucoup de lanternes (Yasaka est connu pour son temple central, entouré de lampions), des échoppes partout et cette bonne humeur si communicative. Il y avait une telle foule que tout Gion était fermée à la circulation ! Impressionnant, compte tenu de la taille de l'artère principale.

Revenons à l'Okera Mairi. Cette tradition ancestrale date de l'époque où le gaz dans les maisons n'existait pas, où la cuisine se faisait au feu de bois. L'okera est une plante médicinale qui est brûlée dans deux lanternes à deux extrémités du temple. Leur fumée est connue pour chasser les mauvais esprits de l'année passée et apporter prospérité pour l'année à venir.

Les japonais utilisent une corde de bambou pour recueillir la flamme. C'est cette corde, qu'ils gardent embrasés en la faisant constamment tournoyer, qu'ils ramènent ensuite chez eux pour préparer le premier feu de l'année, celui qui sert à cuisiner le zoni, cette soupe au mochi traditionnelle du nouvel an.

Vivre ce moment unique de la culture japonaise nous a permis d'ouvrir les yeux, encore une fois, sur la relativité de nos cultures. Dans un contexte de constant repli des nations sur elle-mêmes, faire l'expérience de la différence, bousculer ses habitudes, décrypter les superstitions et les comportements, sont autant de remèdes contre la bêtise. J'ai trop rencontré de personnes qui jugent les cultures les unes contre les autres, se recroquevillent vers le familier, quand le monde offre tous les jours son lot de merveilles.

Voyager c'est refuser l'exotisme comme le connu, c'est comprendre que rien n'est bizarre ni farfelu, accepter que nous sommes citoyen de la Terre et de l'univers. A une heure où les nations semblent tant compter (j'écoute beaucoup les informations en ce moment), ce voyage où se croisent geisha australiennes, touristes chinois, collègues allemands, me renvoi surtout à notre humanité commune, et quoi de mieux que ce nouvel an, polyglotte et si universel, pour s'en rappeler ?